Environnement Hydrocarbures

Perenco visée par un rapport accablant après un incendie meurtrier sur une plateforme pétrolière

l'ONG recommande au gouvernement gabonais la mise en place d’une cellule d'enquête pour revoir l'audit technique sur l'accident de la plateforme de Becuna
l’ONG recommande au gouvernement gabonais la mise en place d’une cellule d’enquête pour revoir l’audit technique sur l’accident de la plateforme de Becuna

L’ONG américaine Environmental Investigation Agency (EIA) a publié un rapport explosif intitulé « Mort à huis clos », mettant en cause la filiale gabonaise du groupe pétrolier franco-britannique Perenco, après un incendie meurtrier survenu en mars 2024 sur la plateforme offshore de Becuna, au large du Gabon.

Une tragédie sans suite judiciaire ?

L’incendie avait causé la mort de six travailleurs sur le champ pétrolier de Tchatamba. Plus d’un an après le drame, aucune enquête indépendante complète n’aurait été menée, selon l’EIA. L’organisation dénonce un manque de transparence, des pressions exercées sur les survivants et une possible dissimulation d’informations.

« Les installations étaient connues comme vétustes, dangereuses et mal entretenues », affirme le rapport, qui s’appuie sur les témoignages de plusieurs employés. Certains auraient même demandé à être affectés à d’autres sites, redoutant des risques d’explosion ou d’électrocution.

Soupçons de corruption et de rétention d’information

L’EIA pointe du doigt une possible corruption de hauts fonctionnaires gabonais. Le rapport évoque notamment le versement présumé d’un pot-de-vin de 65 000 dollars (365 millions FCFA) pour étouffer les conclusions d’un audit technique commandé par le gouvernement. Un procureur aurait même subi des pressions pour clore le dossier.

Des cadres de Perenco, basés à Paris, sont accusés d’avoir entravé l’accès des experts indépendants à la plateforme et fait pression sur des employés blessés afin qu’ils ne divulguent pas certains éléments-clés de l’accident.

Appel à une enquête indépendante… et internationale

Face à ces révélations, l’EIA recommande la mise en place d’une cellule d’enquête indépendante sous la tutelle directe de la présidence gabonaise. Elle demande aussi la suspension temporaire des activités de Perenco sur la plateforme de Becuna, ainsi que l’indemnisation immédiate des familles des victimes, y compris des blessés devenus inaptes au travail.

L’ONG appelle aussi les autorités françaises à ouvrir une enquête sur la responsabilité de Perenco France, notamment pour complicité potentielle dans des dommages environnementaux au Gabon, en RDC, à Trinité-et-Tobago et au Guatemala.

Une réponse jugée évasive

Contactée par les auteurs du rapport, la direction juridique de Perenco a refusé de commenter. Dans une lettre transmise à l’EIA, l’avocat du groupe écrit :

« Compte tenu du calendrier, du caractère partial et préjudiciable de vos questions, ainsi que de certaines hypothèses explicites ou implicites sous-jacentes à celles-ci, mon client s’abstiendra de tout commentaire. »

Les familles en attente de justice

Selon l’EIA, aucune famille des victimes gabonaises n’a été indemnisée à ce jour, à l’exception d’un employé expatrié qui aurait reçu plus de 10 millions de dollars (près de 5,6 milliards FCFA) en échange d’un accord de confidentialité.

La plateforme de Becuna, qui produit en moyenne 13 000 barils par jour, est l’une des plus productives du groupe au Gabon. Ce qui rend l’affaire encore plus sensible dans un pays où les hydrocarbures représentent plus de 40 % des recettes budgétaires.