Économie Mines

Manganèse : les multiples visages d’un métal stratégique en pleine transformation

Le manganèse, longtemps relégué au second plan des métaux industriels, connaît aujourd’hui une série de transformations décisives qui redéfinissent son rôle dans l’économie mondiale. De son utilisation traditionnelle dans la sidérurgie à son intégration dans les batteries de véhicules électriques, ce métal gris argenté devient un acteur clé de la transition énergétique.

Un métal discret mais omniprésent

Abondamment présent dans la croûte terrestre, le manganèse est principalement utilisé dans la fabrication de l’acier, où il sert à le renforcer et à en améliorer la durabilité. « Sans manganèse, pas d’acier solide », résume un ingénieur métallurgiste basé en Afrique du Sud, premier producteur mondial. Mais cette application historique n’est plus la seule locomotive de la demande mondiale.

L’ère de la transition énergétique

La transition énergétique et la montée en puissance des technologies vertes ont ouvert de nouveaux débouchés pour le manganèse. Désormais, ce métal joue un rôle essentiel dans la composition des batteries lithium-ion de nouvelle génération. Les fabricants automobiles se tournent de plus en plus vers des cathodes riches en manganèse, moins coûteuses et plus sûres que celles contenant du cobalt ou du nickel.

« Le manganèse est en train de devenir un métal critique pour l’électromobilité », explique une analyste du marché des métaux basée à Londres. « Les entreprises cherchent à sécuriser leur approvisionnement, notamment en Afrique, où les réserves sont considérables. »

Raffinage et transformation : un défi industriel

Cependant, le véritable enjeu se situe en aval de la chaîne de valeur. Extraire le manganèse ne suffit plus. Il faut désormais le transformer localement pour produire des dérivés à haute valeur ajoutée, comme le sulfate de manganèse destiné aux batteries.

Certains pays africains, comme le Gabon, deuxième exportateur mondial, cherchent à s’insérer dans ce segment stratégique. Le gouvernement gabonais a annoncé en 2024 la construction d’une première unité de transformation à Moanda, en partenariat avec un consortium sino-africain. Objectif : capter davantage de valeur ajoutée et créer des emplois locaux.

Vers une géopolitique du manganèse ?

Alors que les tensions commerciales et les enjeux de souveraineté énergétique s’intensifient, le manganèse entre de plus en plus dans le viseur des décideurs. L’Union européenne l’a inscrit sur sa liste des matières premières critiques, tandis que la Chine continue de sécuriser des parts de marché à travers des investissements miniers et industriels.

Les pays producteurs, quant à eux, cherchent à peser davantage dans cette nouvelle équation. L’initiative « Manganèse pour le développement durable », lancée par plusieurs États africains, vise à harmoniser les politiques minières et à favoriser une exploitation plus responsable.

Un avenir polymorphe

Métal d’acier hier, métal de batterie aujourd’hui, le manganèse s’impose comme un matériau aux multiples vies. Sa trajectoire, entre pressions industrielles, ambitions nationales et logiques géopolitiques, illustre les mutations profondes de l’économie des ressources naturelles au XXIe siècle.

Alors que le monde s’électrifie à grande vitesse, le manganèse pourrait bien sortir de l’ombre pour devenir l’un des piliers de la nouvelle ère industrielle.